Il y a quelque jours, je réalisais un entretien privé
avec Véronique, infirmière
au sein de la résidence Orpea Crampel depuis un peu plus d'1 an.
Après une immersion d'1 an et demi à réaliser un film auprès des résidents et membres du personnel de l'établissement, j'ai eu besoin d'un temps de pause, qui me permettrait de prendre du recul pour saisir les axes autour desquels je souhaitais construire le film à naître.
Je retrouve Véronique
après cet espace temps, qui me raconte son histoire.
Après avoir travaillé au sein d'un établissement non médicalisé et du haut de ses 62 ans, Véronique
me disait qu'elle avait toujours été très demandeuse pour se former, pour continuer d'apprendre
dans la volonté de s'améliorer. Véronique
évoque le lien, évident de son point de vue, entre son évolution personnelle
et la façon dont elle aborde et exerce son métier, sa vocation.
Son témoignage respire la quête d'une élévation
grâce à la prise de conscience, la remise en question et le changement des comportements humains non désirables, non constructifs. Pour Véronique, si chaque personne est ouverte à ce qu'une autre est en capacité de lui apporter, alors tout le monde pourrait réussir à dépasser les défis les plus pesants, puis trouver du réconfort et de la douceur dans la prochaine expérience à vivre
et à partager.
Tout est lié.
Lorsque Mme Billet, directrice de l'établissement Orpea Crampel, me dit d'un air préoccupé souhaiter réunir
l'ensemble des membres du personnel de la résidence pour évoquer la communication interne, je perçois qu'elle prend à cœur son rôle de Capitaine du Navire et qu'elle saisit précisément quand
intervenir pour tenter d'avancer dans une
co contruction ambitieuse
de l'"EHPAD DE DEMAIN" (nom de l'évènement qui avait été organisé de façon concomitante il y a plusieurs mois dans plusieurs résidences du groupe ORPEA en France).
Comment
co construire ensemble
un projet que l'on rêverait commun, si nous ne parvenons pas à dialoguer, à entendre ce qui nous est exprimé, à comprendre ce qui nous est signifié au-delà de la forme, au-delà des mots ?
Comment s'enrichir mutuellement, si nous ne sommes pas en capacité de faire un pas vers notre collègue pour lui faire part de ce que provoque son comportement sur notre personne et sur la qualité du travail à réaliser ?
Comment avancer autrement, si nous nous nous fermons automatiquement aux propos d'une personne qui tente d'établir le contact par souci et investissement professionnel, par nécessité d'être en lien et avant tout "pour le bien être des résidents, qui sont notre priorité
"
?
Y aurait-il une tendance générale à l'acceptation d'une certaine forme de décadence généralisée, d'un désenchantement individuel et collectif, qui auraient gagné le cœur des êtres humains dans la sphère privée comme professionnelle et qui amènerait à un abandon de toute tentative, à l'anéantissement du moindre germe d'une attitude
qui se voudrait intelligente, humaine et solidaire ?
Pourquoi, y compris dans les métiers du soins, est-il devenu si difficile de se déchiffrer, s'appréhender
et se nourrir du regard de l'autre
pour ascensionner
?
Pourquoi nous laissons-nous aller à la facilité d'un verrouillage du cœur, qui nous empêche, par égo, par peur, par méconnaissance de l'autre, par manque d'énergie et de ressources, d'alimenter la flamme
provoquée par quelconque épopée collective
?Celle-là même qui s'entretient
par les petites victoires
et par la réussite, lorsqu'il s'agît de relever les défis ensemble, en s'épaulant et en s'inspirant les un.e.s - les autres ?
Quelle force, cette flamme, lorsqu'elle est allumée et qu'elle trouve à se nourrir et à grandir !
Il y a cette phrase, qui me revient : "Seul, on avance vite, à plusieurs, on avance loin".
Pourquoi, souvent inconsciemment, sabotons-nous ces espaces où la parole pourrait éclore, fleurir
par les interventions de chacun.e, et nous faire éprouver la puissance de l'union, l'élan vigoureux
d'un travail intelligemment collectif
par la compréhension, la remise en question, l'ouverture
et la clémence
?
Il en fallait, du courage, une vision et de la détermination, pour réunir l'ensemble de son équipage et faire délier les langues, après avoir assumé son poste quelques mois auparavant.
Le résultat ? Des coups de gueule. Et il en faut, souvent, pour faire émerger la conscience : des vérités partagées, des réalités entendues, et quelques silences lourds de réflexions, de digestion et d'intégration.
Le résultat ? Un réel approfondissement des liens et des relations. On arrête de subir, on arrête de nier, on ne fait plus semblant. Si on veut y parvenir, il faut se serrer les coudes et relever les manches,
E N S E M B L E.
Mon impression ? La force de l'énergie déployée par une dynamique nouvelle et une connexion retrouvée grâce à une communication facilitée, considérée, valorisée.
Tout est encore possible. Quelle émotion !
Tout est lié.
Quand se décidera-t-on
à se regarder soi, pour mieux se
voir ?
Quand nous déciderons-nous à nous regarder nous, pour mieux nous
voir, autant dans nos qualités que dans nos comportements qui limitent notre façon d'être en relation
?Quand accepterons-nous
le regard de l'autre, qui, bienveillant, nous révèle quelque chose qui en nous et-ou en notre attitude, reste voilé, est déséquilibré ?
Quand choisirons-nous
à nous ouvrir à nouveau ? A considérer le caractère essentiel et précieux d'un échange, y compris lorsqu'il nous invite à transformer la tendance
?
"La nouvelle, elle est vielle, et elle est lente." Voilà comment Véronique
avait été accueillie par certain.e.s de ses collègues lorsqu'elle est arrivée à la résidence Orpea Crampel. Au début, elle n'a pas osé s'exprimer. Elle est restée à la place qu'elle pensait être juste d'occuper. Pendant plusieurs mois, elle n'a pas posé de limite, elle n'a pas osé répondre ni se faire respecter. Pourtant, comme toute personne, Véronique
en a, des choses à partager : avec ses collègues et autrement avec les résidents.
A partir du jour où elle a écouté le courage qui émergeait en elle et est allée s'exprimer librement auprès de la directrice pour partager sa vision et faire remonter certains comportements indésirables, Véronique
s'est enfin sentie à sa juste place et la justesse a alors regagné les espaces où elle avait déserté.
Cette femme, cette mère, cette grand-mère, a trouvé l'établissement où elle désire rester pour continuer d'évoluer à travers l'exercice de son métier. "J'ai 62 ans et j'aime profondément ce que je fais. Ici je me sens bien et je souhaite y rester. Si je le peux, je ne m'arrêterai jamais !"
Et si nous commencions à valoriser ce qui est présent, en convoquions notre énergie pour nous investir de façon constructive
dans l'évolution des situations qui nous engagent autant personnellement que collectivement ?
Je sais que si nous choisissons de nous y essayer, nous avons toutes les chances de parvenir à co construire E N S E M B L E
de nombreux projets...